mardi 22 mai 2018

Retrouver les mots en zigouillant une sirène. Troisième fois.




 La sirène et le rutabaga


____Elle créchait chambre 12, hôpital de Quimper
____Et dans un coquillage appelait l'infirmière.

____C'est un rutabaga qui condamnait Mimi
____Un gros noeud dégoûtant niché sur son coccyx
____Ventru, l'indésirable la bloquait en dessous
____Si bien qu'elle ne pouvait plier ses gros genoux
____Gigoteuse du haut et rigide du bas
____Mimi perdait la boule et découpait ses draps
____En écailles rapeuses d'autant de tons pastels
____Qu'elle se collait la nuit des hanches jusqu'aux orteils
____Parfois, plus téméraire, elle voyageait assise
____Campée sur son fauteuil qu'elle maniait, précise
____Pour chiper aux patients en phase terminale
____Leurs savonnettes roses à l'odeur d'hôpital
____Qu'elle débitait ensuite, la mine réjouie
____En miettes, dont elle sucrait ses longs bains de minuit
____Là, perdue dans les bulles, nue elle s'abandonnait
____Au regard de la lune, là elle se convainquait
____Que le légume-racine qui lui bouffait les os
____La transformait, en douce, en créature de l'eau.

____Des vols de savonnettes aux crues de salle de bain,
____Le personnel alerte collait Mimi au train
____Mais elle sut profiter d'une pause cigarette
____Pour prendre sans effort la poudre d'escampette

____Elle roula jusqu'au port sur son fauteuil grinçant
____Elle roula jusqu'à l'eau et s'y jeta dedans
____Et c'est sous les rayons d'une lune aimante et pleine
____Qu'elle respira de l'eau et mourut en sirène.