dimanche 13 mars 2016

Retrouver les mots en zigouillant une sirène. Deuxième fois.



Elle crevait d'ennui sur la lune. Une vague un peu plus haute que les autres l'avait échouée sur un gros caillou en forme de brioche, par une nuit d'hiver plutôt venteuse. La pauvresse se ratatinait là-dessus depuis trois siècles et elle perdait ses écailles par poignées. Celles-ci s'amoncelaient autour d'elle, en pétales caoutchouteux d'une fleur qui sentirait le poisson plus très frais. Sa crinière d'amazone de la mer n'envoûtait guère plus personne. A dire vrai, il n'en restait désormais qu'un petit tas de cheveux hirsutes et gélatineux. La sirène affamée, perché sur son rocher grassouillet, attendait le moment où elle ferait le grand saut. Elle était consciente que les gifles de l'air sur son corps anémique suffirait à écrabouiller son petit squelette fatigué par trois cents années de solitude, à avaler un air inexistant. Elle préparait avec un sacré enthousiasme ce moment où elle disparaîtrait, ce moment où elle foutrait le camps de cette plaine morte et désespérante, ce moment où réduite en miettes, elle formerait une écume brillante sur la surface lisse de l'océan qui l'avait accouché. Et tandis que la sirène se fossilisait sur son caillou de craie, une onde tranquille chatouillait le ventre de sa tendre mer(e). A qui le temps faisait perdre la boule. Qui oubliait ses filles et souriait à la lune qui les lui ravissait.